
Enquête ethnographique du quartier des Etats Unis, Lyon 8
DO COUTO Ophélie, LAMARCHE Juliette, LAROCHE Florentine, MOREAU Elise, MOREL Manon
Moreau Elise
Réflexion sur la présence de graffitis dans le quartier des États-Unis
Aux États-Unis, les murs parlent pour les habitants et les habitants parlent sur les murs. Autrement dit, les murs peints racontent l’histoire du quartier, et son état actuel avec le projet de réenchantement des murs, et certains habitants écrivent sur ces mêmes murs peints ou sur des façades d’immeubles. Ces graffitis sont intéressants à mettre en opposition ou en continuité avec les murs peints qui auraient légitimé leur présence. De plus, on note un rappel de couleurs entre les deux avec en dominante le rouge et le bleu. Les graffitis du quartier ne sont pas d'ordre esthétique, ils ont tous une signification identitaire au quartier des États-Unis. Pour en citer quelques-uns: “ETU”, “Les États-Unis la famille”, ‘États-Unis Cité’, ce dernier est intéressant car il souligne le statut de ces bâtiments comme une unité qui forme la Cité HLM. Son appellation Cité est affirmé et revendiqué. L'emploi du terme cité fait même peut-être écho au projet utopique de Tony Garnier de Cité Industrielle. Le nombre de graffitis est important, le contenu est parfois différent mais l’écriture et le style sont le même. Ils font l'objet d'un seul graffeur qui représente la voix d’un groupe du quartier qui habite ici depuis longtemps. Ils témoignent d’un fort sentiment d'appartenance au lieu. Par définition, cette pratique de l’art de rue est une façon de transgresser les règles, de crier haut et fort un fait, une revendication. Certains présentent le graffiti comme une manière d’affirmer l’existence d'une personne ou d'un groupe à l’autre qui l’ignore, et lui donne la preuve matérielle de son existence. Le tagueur peut viser une certaine population.
Selon nous, il symbolise ici une appartenance à un territoire, qui est le quartier des États-Unis et justifie la présence d'un groupe social qui est celui d'une jeunesse davantage masculine. L'intérêt serait de questionner ce groupe sur la finalité de ces inscriptions. Enfin, la présence régulière de graffitis sur les murs peints, interroge les limites du musée urbain et son influence sur le quartier. En effet, “ces artistes” ciblent souvent des lieux qui présentent des caractéristiques physiques spécifiques: le lieu a une importance majeure dans cette pratique. Pour ce faire nous avons travaillé avec la photo-ethnographie qui, comme le souligne S. Luciano “offre une prolongation du processus de dialogue entre le graffiti, la ville et l'habitat urbain” 1 . Il s’agirait, dans ce cas, d’instaurer une relation de confiance entre nous et les habitants. Nous avons donc étudier cette partie de la population pour notamment questionner leurs opinions quant à la présence de ce musée urbain dans leur habitat. Concernant cette étude, j'ai eu une première prise de contact avec des jeunes garçons qui habitent dans le quartier depuis toujours: “Je passe plusieurs fois devant eux et, une fois le groupe en plus petit nombre, je m'approche un peu. Un des garçons m'interpelle, cela me permet de commencer à discuter un peu avec eux de leur quartier. Ils m’expliquent qu’ils habitent ici depuis toujours et que c’est leur quartier. Je sens une certaine méfiance dans leurs discours, ils ne semblent pas vraiment apprécier ma présence. Je me justifie en expliquant que je m’intéresse au quartier et notamment à l'utilisation faites des murs. Nous discutons donc des graffitis, l'un d'entre eux me dit alors qu'il m'est impossible de rencontrer la personne qui les faits, mais que cette personne est très connue dans le quartier. Il serait même l'un des seuls à faire des graffitis ici.” J'ai pu développer cette piste, et j'ai rencontré une nouvelle fois des personnes de ce groupe, qui m'ont fait part d'un certain désintérêt concernant les murs peints. Ils expliquaient leurs gestes non en réponse au Musée Urbain mais par une volonté identitaire et symbolique.
1. SPINELLI Luciano, “Techniques visuelles dans une enquête qualitative de terrain”, dans la Revue Sociétés, n°96, 2007, P. 86